FABULATIONS

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Des repas à la grimace

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Il y avait, lorsqu'ils étaient plus jeunes, des évidences, des conversations récurrentes, tellement bien rôdées qu'elles finissaient presque par lassées parce que le repas de la cantine, les dernières chamailleries ou les résultats sportifs, c'est toujours un peu la même histoire. Il y avait autour de la table des bruits, des voix, des paroles coupées mais surtout de la vie, leur vie qui se déroulait, dont je profitais.

 

Et puis, le premier est parti si loin pour des études et un univers qu'il voulait découvrir. On n'était pas triste car il était heureux mais les repas étaient un tout petit peu moins joyeux. Puis il y a eu le second, moins loin mais toute la semaine pour des études, un métier qui s'offrait à lui. On n'était pas triste car il était heureux mais les repas ont été encore un peu moins joyeux. 

 

Et puis, il est arrivé, tout d'abord pour quelques repas puis pour tous les jours et l'ado qui reste se retrouve donc seul face à deux adultes, deux adultes qui ne la comprennent pas, un qu'elle ne connaît pas vraiment et l'autre, qui est sa mère mais à qui elle n'a pas envie de se confier. Se retrouver seul ados dans ce monde nouveau ne se fait pas sans heurts.

Et les repas ne sont plus si évidents...

 

Il y a des soirs où ses sourires nous apprivoisent et où nous l'écoutons décrier les enseignants, les cours, leur organisation. Eternelle insatisfaction de l'élève qui ne se sent pas à sa place, qui ne voit pas de raison à cette souffrance. Des soirs où elle nous parle de ses envies, de ses inquiétudes, de nos envies de voyage... Et puis, il y a les soirs mutiques durant lesquels aucun son ne sort de sa bouche, soirs durant lesquels chacune de nos interventions entraîne au mieux un monosyllabe, au pire un haussement d'épaule. La soirée devient pesante, lugubre et l'heure de la fin du repas sonne le soulagement et l'impression que la respiration devient de nouveau possible.

 

Bien sûr pour ne pas la laisser toujours seule face à deux adultes, il y a ces mercredis, tous les mercredis, nos mercredis, que l'on passe toutes les deux, même s'ils ne sont pas toujours heureux mais ce sont nos moments à nous. Malheureusement, ils n'aident pas toujours à rendre les repas du soir agréables.

 

Pourtant, quels que soient ces repas, il y a une règle sur laquelle je ne transige pas, aussi pénible ou agréable soit chacun de ces repas, c'est que ces repas seront pris tous ensemble, sans télévision, sans téléphone portable, ensemble! Depuis que l'ainé est en âge de manger, ces repas se passent ainsi et, je ne veux pas que ça change car, même s'ils ne sont pas toujours agréables, c'est tout de même le moment où je peux la voir, lui parler et même si elle ne me répond pas, je peux lui répéter que je crois en elle, que je tiens à elle.

 

Même si je trouve qu'elle passe trop de temps sur son téléphone, même si je trouve qu'elle n'a pas assez envie de s'ouvrir à la société, même si on n'a pas les mêmes envies, les mêmes goûts, elle reste ma fille et je ne veux pas qu'elle imagine que ces repas seraient mieux sans elle.

 

 

 



20/03/2019
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