FABULATIONS

FABULATIONS

Et un jour les enfants grandissent....

Nous sommes dimanche, un week end hivernal empli de froid et de vent. La pluie a également fait son réapparition et les bourrasques ne permettent aucune velléité sportive. J'ai bien émis l'idée de nous déplacer jusqu'aux musées de la ville, gratuits en ce premier dimanche du mois mais finalement c'est devant le poele que nous avons passé la majeure partie de notre journée. Enfin, je l'ai passée à proximité du poele, surfant sur la toile, lisant quelques lignes de Clochemerle tandis que Co s'est assis, lui, à quelques mètres, devant son ordinateur à rédiger la nouvelle chronique de son blog. Peu de points communs entre ses chroniques réfléchies et documentées et les miennes, écrites au fil de la plume, entre ses textes élitistes , à la plume aguerrie, fruits de ses nombreuses lectures et les miens, lourds et sans intérêt culturel ou intellectuel. D'ailleurs, c'est à se demander s'il y a quelconque point commun entre nous deux tant nos envies et passés divergent. Finalement, notre principal point commun est sans doute l'envie de poursuivre notre vie commune!

Je disais donc que nous étions dimanche et que nous passions fort tranquillement notre dimanche. A l'étage, se trouve ma fille qui ne descendra malheureusement que quelques instants lorsque le ventre lui criera famine, ou quelques minutes pour bavarder simplement. Et c'est alors que je prenais mon thé, que j'ai eu envie de raconter ces nouveaux dimanches, des dimanches que je n'aurais pas imaginés il y a une dizaine d'années quand je me trouvais au milieu de trois enfants vifs et bougeants. Il était alors hors de question de passer un dimanche après midi enfermés. S'il pleuvait, la piscine ou la maison de mes parents nous accueillait. S'il faisait beau, les parcs et forêts environnantes nous permettaient de nous promener. Les filles couraient, discutaient, proposaient.... et le silence ou le calme était un compagnon aux abonnés absents.

Contrairement à d'autres parents que nous croisions, nous n'avons jamais eu à souffrir de l'énergie de nos filles. LE terrible Two est un mot que j'ai découvert chez les autres. Les querelles de fratrie ne sont pas entrées chez nous mais cela ne les empêchait pas de jouer, faire du bruit, courir dans tous les sens. Nous avions la chance d'avoir une maison assez grande pour y accueillir une salle de jeu et les enfants avaient chacun leur chambre mais c'était le salon qu'elles préféraient envahir, de même que plus tard, alors que tous disposaient dans leur chambre d'un bureau, ils ont toujours préféré s'installer sur la table de la salle pour composer les devoirs du soir. 

Mais peu à peu, les jouets se sont transformés en jeux "non maman, ne ramasse pas le monopoly, on n'a pas fini la partie", "est-ce qu'il y aurait une planche pour le puzzle?", "maman, tu fais une citadelle?" Combien de jeux de société attendent dans le placard? Combien de feuilles noircies de dessins approximatifs sont restées dans la boite du pictionnary? Parce que là encore, les jeux ont fini par prendre la poussière, les sollicitations ont peu à peu diminué puis cessé, les "maman, tu peux me laver mon pull", "maman tu sais où est mon cartable" ont cessé de résonner. La grande, tout d'abord, qui avait eu la bonne idée de poursuivre des études dans la ville de son lycée a, un jour, eu envie d'aventure et est partie pour les Etats-Unis. Ce fut ensuite la seconde qui a trouvé l'école de ses rêves à quelque centaine de kilomètres d'ici. Les chambres ont gardé leurs décorations et elles aiment les retrouver à la faveur d'un week end ou de vacances prolongées mais, bien souvent, il n'y a plus que le chat pour monter à l'étage puisque nous dormons au rez-de-chaussée. C'est d'autant plus vrai qu'une semaine sur deux, c'est chez son père que la benjamine demeure, et c'est donc seulement à deux qu'on occupe les lieux.

Nous sommes dimanches, quelques notes de piano s'élèvent. La demoiselle qui révise avec attention, s'est posée quelques minutes et se détend en jouant des morceaux qu'elle connaît par coeur. Je me souviens encore de ses premières gammes, je revis cet agacement parfois d'entendre les mêmes notes pour la centième fois. Je me rappelle même qu'on lui avait acheté un casque pour qu'elle puisse s'entraîner sans géner trop la maisonnée. Comme aujourd'hui j'aime ces morceaux répétés. Bien sûr, son geste est dorénavant assuré, les mélodies nous portent et les erreurs sont rares mais je goutte chaque note comme celle d'un travail régulier, d'un passé révolu mais qui existe dans ces sons diffus; j'imagine ses petits doigts qu'elle avait potélés, ces boucles blondes qu'elle penchait sur la partition et je la regarde, si grande, droite devant le clavier, sa silhouette féminine me renvoyant toutes les années passées. 

Il n'y a plus de jouets dans le salon, plus d'albums pour enfants sur le canapé. Il n'y a plus de tartines à préparer, celles qu'elles engouffraient si vite qu'on  avait à peine terminé une tournée qu'il fallait recommencer. Finies les deux lessives quotidiennes, les leçons à faire réciter. Finis les mots dans le cahier qu'il ne fallait pas oublier de signer et les phrases qui toujours revenaient: "les filles, la table, on mange", "il y a le lave-vaisselle à débarrasser", "t'as fait tes leçons?", "Tu t'es lavé les dents"?, "t'as fait quoi à l'école aujourd'hui?". Toutes ces petites phrases qui les intégraient dans la vie et qui nous projetaient dans la leur. Dans le jardin, le toboggan s'est couvert de feuilles et sans doute ne permet-il plus de glisser rapidement, seul le vent fait bouger la balançoire, et lorsque paraît un ballon c'est celui du jeune voisin. La panier de basket n'a plus de couleur. Le bac à sable a été retiré et la piscine percée n'a pas été remplacée. La table de jardin, immense, est bien trop grande la plupart du temps mais elle attend patiemment le retour des enfants, de leurs amis auprès du barbecue géant.

Aujourd'hui, je m'efforce d'avoir une oreille attentive, de percevoir les petits coup de mou, les inquiétudes, j'écoute leurs joies, leurs espoirs, leurs projets mais je sais aussi qu'il me faut me taire, me faire discrète, ne pas les envahir. Un petit mot, une petite pensée et ne pas s'offusquer des jours sans messages, des semaines sans les voir. Il me reste encore ma petite dernière mais déjà les premiers amours, les envies d'ailleurs et la difficulté d'être seule sans les grands.

Il y a ce moment où les enfants grandissent qu'il faut apprivoiser pour continuer à être parent. Il y a ce jour où la maison se vide sans que ce ne soit triste, sans que ce ne soit maussade parce que les enfants sont heureux, sont dans la vie qu'ils voulaient et parce que c'est si bon de les retrouver! 

Il y a ces dimanches hivernaux amoureusement passés auprès du poele à lire Clochemerle sans un bruit entre les lignes mais il y a aussi des dimanches à écouter leurs sourires.

 

 

 



03/03/2019
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