FABULATIONS

FABULATIONS

Pourquoi jsuis-je contente d'avoir eu mes enfants jeune?

Je reposte ici un article suite à une chronique que je viens de lire et qui me prouve qu'il y a trop d'injonctions aujourd'hui et qu'on oublie qu'un parent heureux est généralement un parent d'enfant heureux et pour cela, il faut que tout le monde soit équilibré.

 

Très souvent, je lis des blogs de jeunes mères de famille, elles ont généralement dépassé la trentaine mais ont des enfants très jeunes: jeune mère donc! Pourquoi je lis ces récits? Mes enfants approchent ou ont atteint la vingtaine et d'éducation il n'en est plus guère question. Alors? Sans doute parce que ces blogs sont généralement très bien écrits, ils parviennent, en quelques phrases, en quelques photos à dépeindre une anecdote douce, drôle, émouvante. Ces blogs (ou instablogs) sont généralement tenus par des femmes (oui, la blogosphère parentale semble essentiellement féminine) ayant réussi des etudes supérieures et maniant fort bien la langue. Ces petits récits soulignent les petites difficultés familiales et surtout l'immense bonheur de vivre auprès de ses enfants. Dans ces blogs, on parle activité, vacances, petits caprices  mais la vie semble douce. Ces mères n'ont jamais pour but d'être des modèles, de montrer une vie parfaite, elles mettent juste en lumière des instants qui deviennent des pépites. Les photos sont toujours fort belles même si elles montrent des instants banals. Et, de ces blogs pourtant, je tire ce terrible constat: je suis heureuse de ne plus avoir à trop me préoccuper de l'éducation de mes enfants. 

En effet, malgré toute la douceur de leurs écrits, ces blogs ne cessent d'interroger le modèle parental, pour le respecter, oh merveille de l'éducation bienveillante!, pour le bousculer, attractive parce que sans doute plus réaliste, éducation approximative!, ou pour l'interroger, terrible difficulté face à l'injonction de réussir l'éducation de ses enfants! mais tous la rappellent. Je suis certaine que ses mères sont de merveilleuses mères (sans aucune ironie) parce qu'elles aiment leurs enfants et agissent pour leur bien malgré les erreurs, les difficultés, le quotidien qui entrave... Et je leur tire mon chapeau car je me serais sentie complètement submergée, paniquée, dépassée, dans cette époque que je trouve tellement culpabilisatrice pour les parents (et encore plus pour les mères qui doivent porter, assumer, "réussir" leur enfant).

Et j'en viens à mon titre. J'ai été enceinte il y a un peu plus de 20 ans. Jeune, étudiante, je n'ai pas eu le temps d'espérer un enfant qu'il était déjà là. Inscouciants, nous avons accepté cette parentalité (et ne l'avons jamais regrettée). A l'époque, une belle soeur m'avait offert (ou prété?) le seul livre qui semblait avoir le devant de l'affiche "j'attends mon enfant" suivi du non moins célèbre "j'élève mon enfant" de Laurence Pernoud. Je ne crois pas que les rayons des supermarchés regorgeaient de livres sur la parentalité et tout ce que je connaissais de l'éducation m'avait été transmis par Claude Almos qui officiait sur canal plus (et je l'en remercie tellement parce qu'elle donnait des conseils tellement simples, tellement pragmatiques). Je n'ai pas réussi à retrouver ces ouvrages mais ce qu'il m'en reste me laisse à penser qu'il s'agissait avant tout d'expliquer le déroulement d'une grossesse. Lorsque le foetus atteint tant de mois il  mesure tant de centimètres. Voici les fonctions vitales qui sont alors développées. Voici ce qu'il voit, ce qu'il entend...comment il se nourrit. Bref, un rappel de ce que j'avais rapidement appris en SVT. Il y avait bien quelques conseils sur lui parler, s'alimenter, se reposer... mais sans commune mesure avec les injonctions actuelles qui donnent l'impression que tout acte entraîne des conséquences irrémédiables sur le bébé. Je ne dis pas que les recherches ne doivent pas alerter la mère mais quelle culpabilisation, quelle responsabilité! Je n'entends pourtant que rarement les mêmes injonctions au père pour lequel on ne donne pas autant de conseils pour que son sperme soit de qualité, pour qu'il intervienne avec pertinence dans le développement du bébé... Bref, je détesterais entendre tous ces ordres et suis ravie d'avoir dû me contenter de ne pas trop boire, de ne pas trop fumer et de bien manger (j'avais eu la chance d'avoir contracté la toxoplasmose lorsque j'étais ado et n'avais donc pas à me soucier trop de mon alimentation).

Lorsque ma fille est née, je ne l'ai pas nourrie au sein (mais, je l'ai nourrie avec le sourire, n'est-ce pas le plus important?) et personne n'est venu me culpabiliser. D'ailleurs, à l'époque, pas de nourriture à la demande mais l'obligation de laisser une digestion de 3h afin de permettre à l'organisme de ne pas être saturé. Etait-ce si terrible que cela? Je n'en sais rien. Mes enfants étaient des voraces et buvaient avec avidité et ensuite avaient besoin sans doute de ce temps. L'un pleurait toute la journée et dormait la nuit, le médecin a prescrit de la carotte dans son biberon alors qu'elle n'avait que 3 semaines; je l'ai écouté, elle n'a ensuite plus jamais pleuré ainsi. Tous dormaient toute la nuit dès la naissance, et à mon avis, ça n'a rien à voir avec l'éducation, ce que j'ai fait ou que leur père a fait mais un simple élément biologique qui fait que leur horloge interne était ainsi calée.  Alors? Ont-ils souffert de ces 3 heures d'attente préconisée? Quelle avancée scientifique justifie une nouvelle manière d'agir, rendant souvent la mère esclave, culpabilisée quand l'enfant pleure? J'ai eu trois enfants, le premier, il fallait absolument le faire dormir en alternant côté droit et côté gauche, le deuxième absolument sur le dos. Chaque conseil était donné comme indiscutable. Bien sûr, il faut être vigilant mais parfois, un bébé a une position qui semble lui convenir, alors?  Ces injonctions sont physiologiques et non réellement éducatives, elles ont une explication rationnelle (je connais trop bien la M.S.N) et déjà, je les trouvais compliquées à vivre. Très vite, j'ai laissé mon premier bébé dans sa propre chambre car l'avoir à nos côtés nous empêchait de dormir. Si on m'avait contraint au cododo, comment aurais-je fait? Parce qu'il est évident qu'il est plus simple d'assumer son rôle de parent quand on a dormi une nuit complète. Or, notre fille, elle dormait à poings fermés de 21h à 8/9H mais nous, nous passions des heures à l'écouter respirer, à craindre qu'elle ne cesse de respirer. Alors, la laisser dans sa chambre était plus que nécessaire, et heureusement, personne ne nous a prouvé le contraire. J'ai allaité au sein mon troisième enfant, et il a dormi avec nous pendant trois mois parce que j'étais généralement déjà couchée pour la dernière tétée de 22h et que je me rendormais plus facilement. C'est sans doute très égoïste mais ça convenait à tout le monde. Pourquoi l'avoir allaité et non les autres? C'est ainsi, c'est MON choix. L'ironie du sort a voulu que ce soit la seule à subir une bronchiolite mais je ne regrette rien, et c'est ce qui me semble essentiel. Et tous les 3 ont reçu autant d'amour et d'attention.

Même les avancées physiologiques de l'enfant m'ont semblé parfois anxyogène et je me suis souvent demandé si notre enfant n'avait pas lu le bouquin avant de naître tant elle respectait à la lettre le développement de l'enfant tel qu'il était décrit dans "j'élève mon enfant". Ce dernier, plus que de donner des modèles éducatifs, rappelait surtout les besoins d'un enfant en fonction de son âge et des avancées attendues. Tant de millilitres de lait, tel aliment peut être digéré par son organisme. Entre 4 et 7 mois l'enfant tiendra assis: à quatre mois,notre fille agissait ainsi. L'enfant marche aux alentours d'un an. Le jour de son premier anniversaire, C. faisait ses premiers pas... Heureusement, que les marges étaient grandes et qu'elles ne concernaient que le développement "corporel". Je me demande si je n'aurais pas été complétement déboussolée si elle n'avait pas réussi ce que le bouquin affirmait. 

Nous avions quelques principes "elle n'aura pas de tétine" (tu parles qu'elle s'en moquait, elle a sucé son pouce dès sa naissance et ne l'a quitté que beaucoup beaucoup plus tard), on ne lui donnera jamais de fessées (facile, elle était une enfant calme et posée et nous nous dormions toutes les nuits) et on ne s'arrêtera pas de vivre pour elle (en même temps quand tu es étudiant, tu as une vie sociale bien remplie, et plein de copines pour jouer le rôle de baby sitter), mais personne ne nous affirmait que tous nos actes auraient des conséquences gravissimes sur son développement, les injonctions ne couraient pas les rues: jamais tu ne feras, toujours tu devras.... comme on l'entend maintenant. D'ailleurs nos principes ont très vite volé en éclats lorsque la deuxième est arrivée et que son pouce est devenu en sang tant elle le suçait et qu'une tétine est devenue plus qu'obligatoire! Lorsque je vois les parents de jeunes enfants (ceux qui de toute façon ne se planteraient pas vraiment parce qu'ils aiment leurs enfants), j'ai l'impression qu'ils jouent, dans chaque décision, la vie de leurs enfants, que leurs obligations dépassent la simple nécessité de permettre à un enfant d'aller bien. Je me rappelle qu'on nous donnait les quantités de nourriture, les aliments possibles mais on n'était, il me semble, nettement moins culpabilisés. Sans doute, le fait d'être jeunes étudiants, de n'avoir autour de nous aucun autre jeune  parent, de n'avoir personne pour nous donner des conseils, des mises en garde, a facilité cette impression de simplicité et, jamais, je n'aimerais retourner en arrière. 

Aujourd'hui, quand je lis ces blogs fort bien écrits, je m'amuse, je compatis mais je ne peux m'empêcher de trouver que c'est tout de même plus difficile qu'avant. 

Ce que je constate également, c'est la grande inégalité face à l'injonction éducative, en fonction du niveau d'étude et de vie. Les blogs les mieux écrits sont  souvent tenus par des femmes cultivées, ayant fait des études et vivant dans un foyer relativement aisé. Le texte est très souvent habile, la photo fort belle... D'autres mères, moins favorisées, tiennent également des blogs et d'ailleurs élèvent, à mon avis, tout aussi bien leurs enfants mais,  ces mères, à l'orthographe hésitante, à la phrase moins légère, semblent encore plus culpabilisées par cette injonction de l'éducation parfaite. Combien d'articles reprennent dans ces blogs les conseils à suivre absolument? Et je trouve cela encore plus difficile. Etudiante, il est évident que ma fille ne mangeait pas bio tous les jours, que je ne lui achetais pas le dernier siège auto recommandé par les magazines, que les activités étaient celles qui étaient gratuites, que je devais la laisser à la crèche pour poursuivre mes études... Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'il est beaucoup plus compliqué d'élever son enfant, que la simple satisfaction de ses besoins primaires boire, manger, bouger n'est pas suffisant. Il y a, dès le plus jeune âge, une injonction de la réussite. Il faut savoir compter le plus tôt possible, marcher le plus tôt possible... la mise en scène de ces enfants sur les réseaux sociaux rendant l'urgence de la performance encore plus nécessaire. Et moi, cela, je n'aurais pas pu. Mon deuxième enfant n'a marché qu'à 15 mois et personne n'était là pour me culpabiliser. Elle allait bien physiquement et c'était ce qui importait. Bien sûr, l'intérêt porté au bien être psychologique de l'enfant est nécessaire mais je me demande si on n'en fait pas trop. Hier, regardant il miracolo en replay, j'écoutais le discours de cette mère rappelant que l'instinct maternel n'était pas donné à tous (si on pouvait le répéter à l'envi, j'en serais tellement soulagée car hier encore, des élèves m'affirmaient le contraire) mais qu'elle aimait ses enfants et qu'elle avait oeuvré pour leur bien être et que cette gifle partie était bien sûr une erreur mais qu'on n'avait pas à la juger. Or, aujourd'hui, j'ai l'impression que la mère est sans cesse jugée, sans cesse critiquée.

Etudiante, j'ai alors passé le CRPE, concours assez exigeant et dont la préparation ne me permettait pas d'être toujours au top avec mon jeune enfant mais dont les cours de psychologie me passionnaient. Sans doute parce que j'avais un enfant en bas âge, je m'intéressais au développement psychologique de l'enfant mais aussi à son développement physiologique, social. Toutes ces connaissances qui permettent de mieux comprendre les besoins de l'enfant, je suis bien contente de ne les avoir pas eues avant la naissance de la première, cela m'aurait angoissée. Toutefois, elles m'ont aussi permis de relativiser l'impact de l'éducation et m'ont permis de poursuivre mon rôle de parents parce que j'avais déjà fait le plus dur en toute simplicité. Motivée, (en même temps, un enfant, il faut le nourrir et échouer entraînait l'arrêt des bourses, la perte de tout revenu et donc une impasse), j'ai obtenu ce concours. Malheureusement, obtenir le concours signifiait devenir... instit (oui, ça semble évident comme ça, mais finalement, comment je pouvais savoir que c'était aussi dur ce métier plein de vacances?) , et ça, il était évident que ce n'était pas pour moi! (là encore, il y a plein de personnes excellentes comme P.E, mais pas moi) Imaginez: passer toute la journée avec les mêmes têtes à qui vous devez parler histoire, mathématiques, arts et même physique... Impossible! Toutefois, il suffit d'avoir enseigné quelques jours pour comprendre qu'il est ridicule de vouloir imposer les mêmes règles à tout le monde alors que tous ces enfants sont tous différents. Alors pourquoi vouloir tellement imposer des modèles éducatifs? Pourquoi mettre autant de pression? Etre instit (professeur des écoles pardon) m'a confirmé l'idée que chacun devait agir comme il lui semblait bon face à son enfant (à condition bien sûr de préserver son intégrite physique et morale) mais qu'une règle absolue ne pouvait pas fonctionner. Aimer son enfant, s'intéresser à lui me semblent déjà une affaire assez compliquée surtout lorsque vous rentrez de l'usine ou de je ne sais quel emploi et que vous êtez épuisés!

Aujourd'hui mes enfants sont grands (et je ne suis plus prof des écoles!, prof dans le secondaire, mais ça n'a rien à voir, ce n'est pas le même sacerdoce). Nous avons eu la chance d'avoir des enfants cordiaux, des enfants qui s'amusaient ensemble, ne se chamaillaient guère, des enfants sans difficulté d'apprentissage, sans handicap important et ça n'a pas empêché la maladie, le syndrôme de Tourette, la séparation, les problèmes d'ado, de coeur, les deuils insurmontables, les inquiétudes quant à l'orientation, les inquiétudes quant à leur avenir, les difficultés pour leur parler, pour les laisser libres et les encadrer... Et j'ai l'impression qu'il en est ainsi dans toutes les familles qui tiennent à leurs enfants. Que quoi qu'on fasse, c'est le lot de la vie, ils auront des choix à faire, des difficultés à surmonter... Enfant, c'est au  parent d'assumer les choix (combien d'enfants sont perdus parce qu'on leur laisse choisir alors qu'ils ne savent pas quoi faire!) et c'est déjà tellement compliqué. Alors, est-ce bien nécessaire de vivre dans cette angoisse permanente de l'injonction parentale? A-t-on vraiment besoin de manuel éducatif? A-t-on besoin de juger toutes les mères? En même temps, je me rends compte combien la critique est facile. Je n'ai qu'à me regarder: combien de fois m'arrive-t-il de pester parce que je vois une télé trop souvent allumée dans une story, un enfant qui mange des chips, des achats qui à moi me semblent inutiles? N'est-ce pas tellement facile de porter un point de vue forcément hâtif et normatif?

Je n'aurais jamais pu être une mère parfaite, je n'aurais jamais pu laisser de côté toutes les injonctions à la bienveillance, elles m'auraient angoissée et m'auraient sans doute empêchée de "ressentir" les besoins de mes enfants, et je suis donc bien contente de n'avoir pas eu à me poser trop de questions, d'avoir pu vivre à l'instinct et d'avoir donc échapper à cela. Parce que, vous remarquez, après 14 ans, il semblerait qu'on ne vous dise plus comment élever votre adolescent (est-ce pour autant plus facile?). A moins que ce soit la prochaine étape... Mais les miens ne seront alors plus des ados!

Je suis admirative des mères actuelles et me rends compte que je n'aurais pas pu être une maman sereine aujourd'hui alors je suis ravie que mes enfants soient grands et,surtout, que mes enfants soient de jeunes adultes bien dans leur peau.

 

P.S Quelques blogs particulièrement agréables à lire: quatreenfants, hautlesnains (instablog), diefranzoesin, escarpinsetmarmelade, ... et sans doute beaucoup d'autres

 

 



19/03/2019
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