FABULATIONS

FABULATIONS

Et ça continue encore et encore, c'est que le début...

Une nouvelle rentrée, la 21ème depuis le début de ma carrière, la 17ème en tant que PLC et la 9ème dans cet établissement. 

Une rentrée marquée par le changement, changement de programme, changement de baccalauréat, changement de niveaux. Et pourtant, alors qu'on va seulement entamer la deuxième semaine j'ai comme une impression de rengaine, comme une impression de rouleau compresseur contre lequel on ne peut rien.

 

Une semaine, à peine, puisque les cours n'ont commencé que mardi, que les élèves n'ont pas tous eu encore un vrai cours et que certains ont à peine été aperçus. 

 

Cette année, j'ai choisi un emploi du temps "allégé", exit les classes bac, les éléves de première, je n'aurai que des secondes et des post bac. Ce n'est pas forcément choisir la facilité car les secondes sont souvent bien plus épuisantes que les premières mais, en terme de pression et de correction, je devrais mieux m'en sortir.

 

J'ai donc découvert mes nouveaux élèves; déjà, j'ai eu l'impression de me transformer en monstre, en flic autoritaire, déjà, j'ai eu l'impression de les avoir ennuyés, désespérés, désabusés. Pourtant, j'adopte quelques techniques qui me semblent efficaces: toujours sourire en entrant dans la classe, leur dire bonjour, leur donner l'impression que j'ai plaisir à les voir (c'est d'ailleurs globalement vrai). Ensuite, ne jamais les mettre en défaut. Cela ne veut pas dire que je fais en sorte qu'ils ne doivent pas se tromper, au contraire, mais je tente, de tirer un apprentissage de chaque erreur, de voir en quoi l'erreur est une source de connaissance des difficultés de l'élève. Je leur répéte qu'on a le droit d'être en difficulté, qu'être ce qu'ils appellent "nul en français" n'est ni une tare, ni une fatalité. J'aime à leur dire que j'évalue une copie, un exercice et que ce n'est pas à eux que je mets une note. Bref, expliquer qu'ils ont forcément de la valeur, même si ce ne sont pas des écrivaisn, qu'il ne s'agit que de progresser et non d'être parfait. Mais, c'est un échec, l'apprentissage pour lui-même, l'envie de progresser pour eux-mêmes, ils n'y sont pas préparés. 'Est-ce que ça va être noté?", "je ne sais pas" sans même réfléchir, les mains qui n'osent se lever... il va falloir des semaines pour que peu à peu ils se fassent confiance, enfin pour certains, parce que pour d'autres, la timidité, la certitude de ne pas valoir la peine prédomineront. Chacun aura alors sa manière de réagir à la difficulté, il y aura celui, minoritaire, qui redoublera d'effort, tentera de saisir les opportunités pour progresser. Il y aura celui qui délaissera le cours au profit de rêverie ou de bavardage, se maintenant dans une attitude correcte mais désinvolte ou déconnectée. Il y aura celui qui se sentira fragilisé voire humilié par les difficultés sans cesse rencontrées, il n'admettra pas cette situation et se transformera en trublion ou en élève contestataire. Il tentera d'entraver le cours, d'empêcher les autres de travailler, de permettre la mise en évidence de ses difficultés. Il y aura enfin celui qui baissera les bras et préfèrera s'absenter. J'aimerais dire que mes talents d'enseignant me permettront de combattre les difficultés de chacun de ces élèves, que mes cours exceptionnels finiront par les intéresser, les sauver mais il n'en est rien. J'aurais beau être attentive, tolérante, coopérante... je ne ferai aucun miracle si ce n'est, exceptionnellement , un élève qui comprendra que lui aussi peut s'en sortir. Mes cours ne sont ni mauvais ni merveilleux, ils sont, comme moi, limités!

 

Leur sourire tout en ne leur laissant que peu de droit finalement. Non tu ne te parfumes pas en classe, non tu ne parles pas avec ton voisin, non tu n'utilises pas ton téléphone, non tu ne sors pas ta cigarette, non tu ne viens pas sans ton exercice réalisé, non tu ne restes pas sans écrire, non tu ne sors pas sans avoir rangé ta chaise, nettoyé ta table... Aucune souplesse apparente. Un devoir non fait et la punition tombe. Un bavardage intempestif et mon silence y répond. Une voix sans cri, modérée mais ferme vient sans cesse leur rappeler qu'ils sont là pour participer. Je crois être un prof extrêmement autoritaire et pourtant, j'ai la certitude que cette atmosphère est la seule permettant à chacun de travailler. L'autorité n'empêche la bienveillance et c'est ainsi que je fonctionne.

 

Leur sourire, toujours, quelle que soit leur attitude. Jamais je ne prends leur colère ou leur agressivité contre moi. Je crois que c'est ma chance. Je sais que je fais au mieux pour que le cours soit le plus agréable possible, le plus dynamique possible, le plus utile possible. Je sais que parfois c'est ennuyeux, difficile, fatigant mais, toujours je tente de les impliquer et de les respecter. Si j'exige le respect des règles, c'est qu'élevée dans le contrat social, j'ai la certitude que perdre cette liberté, c'est gagner en équilibre et en équité. Passer une heure dans une classe calme, sereine permet à chacun de se sentir bien et même celui qui aimerait pouvoir bouger davantage apprend de cette contrainte, peut ensuite obtenir le mouvement qu'il souhaitait.

 

Leur sourire et leur donner l'impression que tout est un jeu, qu'il n'y a pas de perfection et que l'apprentissage domine. Bien sûr que je suis un petit peu plus à l'aise qu'eux lorsqu'il s'agit d'évoquer les auteurs, de lire des textes difficiles mais il me semble important de leur montrer que j'ai moi aussi des lacunes, moi aussi des domaines dans lesquels je dois m'améliorer. Ainsi, je n'hésite pas à leur dire que je ne sais pas écrire, que je suis incapable de rédiger un roman et que je ne le saurai jamais. Pourquoi leur mentir? Je n'ai pas besoin qu'ils voient en moi le prof érudit, le monsieur je sais tout qui se lamente du niveau des élèves, je veux juste qu'ils sachent que je suis là pour leur permettre de progresser, de découvrir leurs difficultés mais aussi leurs points forts, de leur donner des aides pour trouver des solutions ou des améliorations. Je suis de celle qui ne supporte pas que l'on mette un 0 en dictée mais qui peut mettre un 0 si un devoir n'est pas rendu.

 

L'année a commencé et déjà ont émergé les premières différences, les classes aux élèves studieux et celles plus agitées. Deux secondes, 12 heures de cours par semaine en leur compagnie. DEux secondes et déjà deux situations inégales. 2 secondes, 70 lycéens venant de 8 collèges différents. 2 secondes et devoir les faire travailler jusqu'à la dernière heure de la journée. 2 secondes et je sais déjà que je ne ferai qu'une année imparfaite.

 

L'année a repris et a effacé en quelques heures rapides le merveilleux été que je raconterai prochainement, ou comment j'ai parcouru sur mon vélo 1654 km en 19 jours exceptionnels!

 

 

 



08/09/2019
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